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La vie qui sommeille en toi 
 
 
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les pensées d'anais

En sa présence je répudie tout ce que j'ai fait tout ce que je suis.J'aspire à d'avantage...j'ai une peur panique de la decevoir 
 
Avec elle je me sens hors du temps 
 
Vous avez par vos baisers balayé tout mes scrupules,mes remords,ma conscience 
 
Une femme perpétuellement déguisée 
 
Les épreuves qu'elle lui impose l'enrichissent d'avantage que le bonheur 
 
Etre pleinement vivant c'est vivre inconsciement et instinctivement dans toutes les directions 
 
L'idéalisme c'est la mort du corps et de l'imagination 
 
A ta vue je devient humble 
 
Je suppose que j'ai du dormir cent ans dans le monde des poétes et j'ignorais tout de l'enfer sur terre 
 
Pour étre reconnaissant il faut d'abord savoir aimer 
 
Par notre oeuvre nous remettons ensemble les fragments,recréons le tout 
 
Je me suis complètement dévouée à ma mère au point de m'annihiler 
 
Je l'aimais sans critique,pieusement,docilement,je me donnais,j'étais faible,dépouillée de ma personnalité,je n'avais pas de volonté 
 
La passion et la violence n'ont jamais ouvert le coeur d'un étre humain 
 
Vivre un mensonge qui n'est pas un mensonge mais un conte de fées 
 
Merveille et mystére de la folie de l'amour 
 
Ma passion me procure des moments d'unité 
 
Ma vie est freinée par la pensée et le besoin de comprendre ce que je vis 
 
Quel triste monde sans june,ni beauté,ni voix,ni présence 
 
C'est ma faiblesse que je hais mais non sa domination dévorante 
 
On se trompe en cherchant l'unité absolue 
 
En face de tout ètre humain,je me conduis de façon humaine et démocratique 
 
Mon cher journal,c'est Anais qui te parle ce n'est pas quelqu'un qui pense comme chacun devrait penser;cher journal ait pitié de moi,mais écoute moi 
 
Nous allons à la lune ce n'est pas loin,l'homme peut aller tellement plus loin en lui méme 
 
A la chaleur manifeste et enveloppante de mon admiration,elle s'épanouissait 
 
Je ne sais pas parler,je veux vous écrire 
 
L'expérience vécue à l'excés tue l'imagination et l'intensité 
 
Je ne me sens pas encore naturel avec vous 
 
Votre regard semble atteindre des miracles 
 
Il y a du danger dans trop de connaissances 
 
Je veux combattre votre réalisme avec toutes les forces magiques de la poésie 
 
Henry me donne le monde,June m'a donné la folie 
 
Vivre en parfaite harmonie sociale,c'est intégrer les autres en soi méme 
 
Je suis si émerveillée de la beauté des femmes et du magnétisme des hommes 
 
Vous étes faites d'une substance ésotérique 
 
J'aspire à l'extase d'écrire,de lire,d'écouter de la musique;de la philosophie,de la comptemplation 
 
Posséder la connaissance ne tue pas le sens du mystére et du merveilleux,il y a toujours un mystére au dela 
 
Soif de l'impossible,mourir de ne pouvoir l'atteindre,refus du compromis 
 
Je suis curieuse de votre vie 
 
Toute experience qui répond à un besoin profond de votre nature est bonne 
 
Mes mauvais sentiments s'évanouissent à son entrée 
 
C'est quand mes amis ont des ennuis que ma tendresse s'éveille 
 
Minuit m'avait toujours métamorphosée en vagabond solitaire et aliené 
 
Tant que vous ne pourrez agir avec un parfait naturel en accord avec votre nature,vous ne serez pas heureuse 
 
Ne jouer pas à des jeux qui ne vous sont pas naturels 
 
Je ne désespere pas de vous réconcilier avec votre propre image 
 
Je n'ai rien dit qui vous ait bléssée 
 
Voulez-vous bien prendre la responsabilité de me donner le bras dans la rue 
 
L'étrangeté fait toujours peur 
 
Je suis attirée par ce qui n'est pas conventionnel 
 
Le passé est mémoire,souvenir,le futur est anticipation,le présent est conscience.Le temps est le mouvement de la pensée 
 
Ce qui nous fait désespérer c'est que nous voulons trouver un sens universel à la vie tout entiére,et que nous finissons par dire qu'elle est absurde,illogique,vide de sens. 
 
Je donne à chaque étre humain son du.Je néglige classe sociale et richesse.C'est à l'esprit,aux qualités humaines que je suis sensible et aux besoins,pour autant que je puisse les satisfaire. 
Si nous faisions tous ensemble ce que je fais dans mon coté,il n y aurait ni guerre ni pauvreté. 
 
...un ile ou je pouvais me refugier de cette terre étrangére,écrire en français,penser à mes propres pensées,me raccrocher à mon ame,à moi méme. 
 
J'ai besoin de revivre ma vie dans le réve,le réve est ma vraie vie.Je vois dans les échos qu'il renvoie les seules transfigurations qui gardent à l'émerveillement sa pureté. 
 
Ce qui tue la vie c'est l'absence de mystére 
 
Je sais bien que les étres humains attribuent à un objet ou à une personne,la responsabilité d'étre l'obstacle,alors que l'obstacle est en soi méme. 
 
La vie de tous les jours ne m'intéresse pas.Je recherche seulement les grands moments.Je suis d'accord avec les surréalistes en quéte de merveilleux. 
 
On dissimule sa pensée à un ennemi,pas à un mari,un amant,un ami. 
 
Ecrire comme l'on pense,dans l'ordre et le désordre,ou l'on se sent et ou l'on pense,suivre les sensations et les corrélations absurdes d'événements et d'images,faire confiance aux royaumes nouveaux ou elles ménent. 
 
 
ALPHONSE LAMARTINE(1790-1869) 
 
Le prophéte Muhammad par Lamartine (Paris 1854)  
 
"Jamais un homme ne se proposa, volontairement ou involontairement, un but plus sublime, puisque ce but était surhumain : Saper les superstitions interposées entre la créature et le Créateur, rendre Dieu à l'homme et l'homme à Dieu, restaurer l'idée rationnelle et sainte de la divinité dans ce chaos de dieux materiels et défigurés de l'idolatrie... Jamais homme n'accomplit en moins de temps une si immense et durable révolution dans le monde, puisque moins de deux siècle après sa prédication, l' islamisme, préché et armé, régnait sur les trois Arabies, conquérait à l'Unité de Dieu la Perse, le Khorassan, la Transoxiane, l'Inde occidentale, la Syrie, l'Egypte, l'Ethiopie, tout le continent connu de l'Afrique septentrionale, plusieurs iles de la méditerannée, l'Espagne et une partie de la Gaule.  
Si la grandeur du dessein, la petitesse des moyens, l'immensité du résultat sont les trois mesures du génie de l'homme, qui osera comparer humainement un grand homme de l'histoire moderne à Mahomet ? Les plus fameux n'ont remués que des armes, des lois, des empires; ils n'ont fondé, quand ils ont fondés quelque chose, que des puissances materielles, écroulées souvent avant eux. Celui-là a remué des armées, des legislations, des empires, des peuples, des dynasties, des millions d'hommes sur un tiers du globe habité ; mais il a remué, de plus, des idées, des croyances, des âmes. Il a fondé sur un Livre, dont chaque lettre est devenue une loi, une nationalité spirituelle qui englobe des peuples de toutes les langues et de toutes les races, et il a imprimé, pour caractère indélèbile de cette nationalité musulmane, la haine des faux dieux et la passion du Dieu un et immateriel...  
 
Philosophe, orateur, apôtre, legislateur, guerrier, conquerant d'idées, restaurateur de dogmes rationels, d'un culte sans images, fondateur de vingt empires terrestres et d'un empire spirituel, voilà Mahomet. A toutes les echelles où l'on mesure la grandeur humaine, quel homme fut plus grand ?..."  
 
Lamartine, Paris 1854  
 
Ces poême qui suivent sont choisis parmi tant d'autres: 
 
Dieu : 
 
Oui, mon âme se plaît à secouer ses chaînes : 
Déposant le fardeau des misères humaines, 
Laissant errer mes sens dans ce monde des corps, 
Au monde des esprits je monte sans efforts. 
Là, foulant à mes pieds cet univers visible, 
Je plane en liberté dans les champs du possible, 
Mon âme est à l'étroit dans sa vaste prison : 
 
Il me faut un séjour qui n'ait pas d'horizon. 
Comme une goutte d'eau dans l'Océan versée, 
L'infini dans son sein absorbe ma pensée ; 
Là, reine de l'espace et de l'éternité, 
Elle ose mesurer le temps, l'immensité, 
Aborder le néant, parcourir l'existence, 
Et concevoir de Dieu l'inconcevable essence. 
Mais sitôt que je veux peindre ce que je sens, 
Toute parole expire en efforts impuissants. 
Mon âme croit parler, ma langue embarrassée 
Frappe l'air de vingt sons, ombre de ma pensée. 
Dieu fit pour les esprits deux langages divers : 
En sons articulés l'un vole dans les airs ; 
Ce langage borné s'apprend parmi les hommes, 
Il suffit aux besoins de l'exil où nous sommes, 
Et, suivant des mortels les destins inconstants 
Change avec les climats ou passe avec les temps. 
L'autre, éternel, sublime, universel, immense, 
Est le langage inné de toute intelligence : 
Ce n'est point un son mort dans les airs répandu, 
C'est un verbe vivant dans le coeur entendu ; 
On l'entend, on l'explique, on le parle avec l'âme ; 
Ce langage senti touche, illumine, enflamme; 
De ce que l'âme éprouve interprètes brûlants, 
Il n'a que des soupirs, des ardeurs, des élans ; 
C'est la langue du ciel que parle la prière, 
Et que le tendre amour comprend seul sur la terre. 
Aux pures régions où j'aime à m'envoler, 
L'enthousiasme aussi vient me la révéler. 
Lui seul est mon flambeau dans cette nuit profonde, 
Et mieux que la raison il m'explique le monde. 
Viens donc ! Il est mon guide, et je veux t'en servir. 
A ses ailes de feu, viens, laisse-toi ravir ! 
Déjà l'ombre du monde à nos regards s'efface, 
Nous échappons au temps, nous franchissons l'espace. 
Et dans l'ordre éternel de la réalité, 
Nous voilà face à face avec la vérité ! 
Cet astre universel, sans déclin, sans aurore, 
C'est Dieu, c'est ce grand tout, qui soi-même s'adore ! 
Il est ; tout est en lui : l'immensité, les temps, 
De son être infini sont les purs éléments ; 
L'espace est son séjour, l'éternité son âge ; 
Le jour est son regard, le monde est son image ; 
Tout l'univers subsiste à l'ombre de sa main ; 
L'être à flots éternels découlant de son sein, 
Comme un fleuve nourri par cette source immense, 
S'en échappe, et revient finir où tout commence. 
Sans bornes comme lui ses ouvrages parfaits 
Bénissent en naissant la main qui les a faits ! 
Il peuple l'infini chaque fois qu'il respire ; 
Pour lui, vouloir c'est faire, exister c'est produire ! 
Tirant tout de soi seul, rapportant tout à soi, 
Sa volonté suprême est sa suprême loi ! 
Mais cette volonté, sans ombre et sans faiblesse, 
Est à la fois puissance, ordre, équité, sagesse. 
Sur tout ce qui peut être il l'exerce à son gré ; 
Le néant jusqu'à lui s'élève par degré : 
Intelligence, amour, force, beauté, jeunesse, 
Sans s'épuiser jamais, il peut donner sans cesse, 
Et comblant le néant de ses dons précieux, 
Des derniers rangs de l'être il peut tirer des dieux ! 
Mais ces dieux de sa main, ces fils de sa puissance, 
Mesurent d'eux à lui l'éternelle distance, 
Tendant par leur nature à l'être qui les fit; 
Il est leur fin à tous, et lui seul se suffit ! 
Voilà, voilà le Dieu que tout esprit adore, 
Qu'Abraham a servi, que rêvait Pythagore, 
Que Socrate annonçait, qu'entrevoyait Platon ; 
Ce Dieu que l'univers révèle à la raison, 
Que la justice attend, que l'infortune espère, 
Et que le Christ enfin vint montrer à la terre ! 
Ce n'est plus là ce Dieu par l'homme fabriqué, 
Ce Dieu par l'imposture à l'erreur expliqué, 
Ce Dieu défiguré par la main des faux prêtres, 
Qu'adoraient en tremblant nos crédules ancêtres. 
Il est seul, il est un, il est juste, il est bon ; 
La terre voit son oeuvre, et le ciel sait son nom ! 
Heureux qui le connaît ! plus heureux qui l'adore ! 
Qui, tandis que le monde ou l'outrage ou l'ignore, 
Seul, aux rayons pieux des lampes de la nuit, 
S'élève au sanctuaire où la foi l'introduit 
Et, consumé d'amour et de reconnaissance, 
Brûle comme l'encens son âme en sa présence ! 
Mais pour monter à lui notre esprit abattu 
Doit emprunter d'en haut sa force et sa vertu. 
Il faut voler au ciel sur des ailes de flamme : 
Le désir et l'amour sont les ailes de l'âme. 
Ah ! que ne suis-je né dans l'âge où les humains, 
Jeunes, à peine encore échappés de ses mains, 
Près de Dieu par le temps, plus près par l'innocence, 
Conversaient avec lui, marchaient en sa présence ? 
Que n'ai-je vu le monde à son premier soleil ? 
Que n'ai-je entendu l'homme à son premier réveil ? 
Tout lui parlait de toi, tu lui parlais toi-même ; 
L'univers respirait ta majesté suprême ; 
La nature, sortant des mains du Créateur, 
Etalait en tous sens le nom de son auteur; 
Ce nom, caché depuis sous la rouille des âges, 
En traits plus éclatants brillait sur tes Ouvrages ; 
L'homme dans le passé ne remontait qu'à toi ; 
Il invoquait son père, et tu disais : C'est moi. 
Longtemps comme un enfant ta voix daigna l'instruire, 
Et par la main longtemps tu voulus le conduire. 
Que de fois dans ta gloire à lui tu t'es montré, 
Aux vallons de Sennar, aux chênes de Membré, 
Dans le buisson d'Horeb, ou sur l'auguste cime 
Où Moïse aux Hébreux dictait sa loi sublime ! 
Ces enfants de Jacob, premiers-nés des humains, 
Reçurent quarante ans la manne de tes mains 
Tu frappais leur esprit par tes vivants oracles ! 
Tu parlais à leurs yeux par la voix des miracles ! 
Et lorsqu'ils t'oubliaient, tes anges descendus 
Rappelaient ta mémoire à leurs coeurs éperdus ! 
Mais enfin, comme un fleuve éloigné de sa source, 
Ce souvenir si pur s'altéra dans sa course ! 
De cet astre vieilli la sombre nuit des temps 
Eclipsa par degrés les rayons éclatants ; 
Tu cessas de parler; l'oubli, la main des âges, 
Usèrent ce grand nom empreint dans tes ouvrages ; 
Les siècles en passant firent pâlir la foi ; 
L'homme plaça le doute entre le monde et toi. 
Oui, ce monde, Seigneur, est vieilli pour ta gloire ; 
Il a perdu ton nom, ta trace et ta mémoire 
Et pour les retrouver il nous faut, dans son cours, 
Remonter flots à flots le long fleuve des jours ! 
Nature ! firmament ! l'oeil en vain vous contemple ; 
Hélas ! sans voir le Dieu, l'homme admire le temple, 
Il voit, il suit en vain, dans les déserts des cieux, 
De leurs mille soleils le cours mystérieux ! 
Il ne reconnaît plus la main qui les dirige ! 
Un prodige éternel cesse d'être un prodige ! 
Comme ils brillaient hier, ils brilleront demain ! 
Qui sait où commença leur glorieux chemin ? 
Qui sait si ce flambeau, qui luit et qui féconde, 
Une première fois s'est levé sur le monde ? 
Nos pères n'ont point vu briller son premier tour 
Et les jours éternels n'ont point de premier jour. 
Sur le monde moral, en vain ta providence, 
Dans ces grands changements révèle ta présence ! 
C'est en vain qu'en tes jeux l'empire des humains 
Passe d'un sceptre à l'autre, errant de mains en mains ; 
Nos yeux accoutumés à sa vicissitude 
Se sont fait de ta gloire une froide habitude ; 
Les siècles ont tant vu de ces grands coups du sort : 
Le spectacle est usé, l'homme engourdi s'endort. 
Réveille-nous, grand Dieu ! parle et change le monde ; 
Fais entendre au néant ta parole féconde. 
Il est temps ! lève-toi ! sors de ce long repos ; 
Tire un autre univers de cet autre chaos. 
A nos yeux assoupis il faut d'autres spectacles ! 
A nos esprits flottants il faut d'autres miracles ! 
Change l'ordre des cieux qui ne nous parle plus ! 
Lance un nouveau soleil à nos yeux éperdus ! 
Détruis ce vieux palais, indigne de ta gloire ; 
Viens ! montre-toi toi-même et force-nous de croire ! 
Mais peut-être, avant l'heure où dans les cieux déserts 
Le soleil cessera d'éclairer l'univers, 
De ce soleil moral la lumière éclipsée 
Cessera par degrés d'éclairer la pensée ; 
Et le jour qui verra ce grand flambeau détruit 
Plongera l'univers dans l'éternelle nuit. 
Alors tu briseras ton inutile ouvrage : 
Ses débris foudroyés rediront d'âge en âge : 
Seul je suis ! hors de moi rien ne peut subsister ! 
L'homme cessa de croire, il cessa d'exister ! 
 
 
 
Consolation : 
 
Quand le Dieu qui me frappe, attendri par mes larmes, 
De mon coeur oppressé soulève un peu sa main, 
Et, donnant quelque trêve à mes longues alarmes, 
Laisse tarir mes yeux et respirer mon sein; 
 
Soudain, comme le flot refoulé du rivage 
Aux bords qui l'ont brisé revient en gémissant, 
Ou comme le roseau, vain jouet de l'orage, 
Qui plie et rebondit sous la main du passant, 
 
Mon coeur revient à Dieu, plus docile et plus tendre, 
Et de ses châtiments perdant le souvenir, 
Comme un enfant soumis n'ose lui faire entendre 
Qu'un murmure amoureux pour se plaindre et bénir! 
 
Que le deuil de mon âme était lugubre et sombre! 
Que de nuits sans pavots, que de jours sans soleil! 
Que de fois j'ai compté les pas du temps dans l'ombre, 
Quand les heures passaient sans mener le sommeil! 
 
Mais loin de moi ces temps! que l'oubli les dévore! 
Ce qui n'est plus pour l'homme a-t-il jamais été? 
Quelques jours sont perdus; mais le bonheur encore, 
Peut fleurir sous mes yeux comme une fleur d'été!  
 
Tous les jours sont à toi! que t'importe leur nombre? 
Tu dis : le temps se hâte, ou revient sur ses pas; 
Eh! n'es-tu pas celui qui fit reculer l'ombre 
Sur le cadran rempli d'un roi que tu sauvas ? 
 
Si tu voulais! ainsi le torrent de ma vie, 
À sa source aujourd'hui remontant sans efforts, 
Nourrirait de nouveau ma jeunesse tarie, 
Et de ses flots vermeils féconderait ses bords; 
 
Ces cheveux dont la neige, hélas! argente à peine 
Un front où la douleur a gravé le passé, 
S'ombrageraient encor de leur touffe d'ébène, 
Aussi pur que la vague où le cygne a passé! 
 
L'amour ranimerait l'éclat de ces prunelles, 
Et ce foyer du coeur, dans les yeux répété, 
Lancerait de nouveau ces chastes étincelles 
Qui d'un désir craintif font rougir la beauté! 
 
Dieu! laissez-moi cueillir cette palme féconde, 
Et dans mon sein ravi l'emporter pour toujours, 
Ainsi que le torrent emporte dans son onde 
Les roses de Saron qui parfument son cours! 
 
Quand pourrai-je la voir sur l'enfant qui repose 
S'incliner doucement dans le calme des nuits? 
Quand verrai-je ses fils de leurs lèvres de rose 
Se suspendre à son sein comme l'abeille aux lis! 
 
A l'ombre du figuier, près du courant de l'onde, 
Loin de l'oeil de l'envie et des pas du pervers, 
Je bâtirai pour eux un nid parmi le monde, 
Comme sur un écueil l'hirondelle des mers! 
 
Là, sans les abreuver à ces sources amères 
Où l'humaine sagesse a mêlé son poison, 
De ma bouche fidèle aux leçons de mes pères, 
Pour unique sagesse ils apprendront ton nom! 
 
Là je leur laisserai, pour unique héritage, 
Tout ce qu'à ses petits laisse l'oiseau du ciel, 
L'eau pure du torrent, un nid sous le feuillage, 
Les fruits tombés de l'arbre, et ma place au soleil! 
 
Alors, le front chargé de guirlandes fanées, 
Tel qu'un vieux olivier parmi ses rejetons, 
Je verrai de mes fils les brillantes années 
Cacher mon tronc flétri sous leurs jeunes festons! 
 
Alors j'entonnerai l'hymne de ma vieillesse, 
Et, convive enivré des vins de ta bonté, 
Je passerai la coupe aux mains de la jeunesse, 
Et je m'endormirai dans ma félicité! 
 
 
 
Eternité de la nature, brièveté de l'homme : 
 
 
Roulez dans vos sentiers de flamme, 
Astres, rois de l'1immensité! 
Insultez, écrasez mon âme 
Par votre presque éternité! 
Et vous, comètes vagabondes, 
Du divin océan des mondes 
Débordement prodigieux, 
Sortez des limites tracées, 
Et révélez d'autres pensées 
De celui qui pensa les cieux! 
 
Triomphe, immortelle nature! 
A qui la main pleine de jours 
Prête des forces sans mesure, 
Des temps qui renaissent toujours! 
La mort retrempe ta puissance, 
Donne, ravis, rends l'existence 
A tout ce qui la puise en toi; 
Insecte éclos de ton sourire, 
Je nais, je regarde et j'expire, 
Marche et ne pense plus à moi! 
 
Vieil océan, dans tes rivages 
Flotte comme un ciel écumant, 
Plus orageux que les nuages, 
Plus lumineux qu'un firmament! 
Pendant que les empires naissent, 
Grandissent, tombent, disparaissent 
Avec leurs générations, 
Dresse tes bouillonnantes crêtes, 
Bats ta rive! et dis aux: tempêtes : 
Où sont les nids des nations? 
 
Toi qui n'es pas lasse d'éclore 
Depuis la naissance des jours. 
Lève-toi, rayonnante aurore, 
Couche-toi, lève-toi toujours! 
Réfléchissez ses feux sublimes, 
Neiges éclatantes des cimes, 
Où le jour descend comme un roi! 
Brillez, brillez pour me confondre, 
Vous qu'un rayon du jour peut fondre, 
Vous subsisterez plus que moi! 
 
Et toi qui t'abaisse et t'élève 
Comme la poudre des chemins, 
Comme les vagues sûr la grève, 
Race innombrable des humains, 
Survis au temps qui me consume, 
Engloutis-moi dans ton écume, 
Je sens moi-même mon néant, 
Dans ton sein qu'est-ce qu'une vie? 
Ce qu'est une goutte de pluie 
Dans les bassins de l'océan! 
 
Vous mourez pour renaître encore, 
Vous fourmillez dans vos sillons! 
Un souffle du soir à l'aurore 
Renouvelle vos tourbillons! 
Une existence évanouie 
Ne fait pas baisser d'une vie 
Le flot de l'être toujours plein; 
Il ne vous manque quand j'expire 
Pas plus qu'à l'homme qui respire 
Ne manque un souffle de son sein! 
 
Vous allez balayer ma cendre; 
L'homme ou l'insecte en renaîtra! 
Mon nom brûlant de se répandre 
Dans le nom commun se perdra; 
Il fut! voilà tout! bientôt même 
L'oubli couvre ce mot suprême, 
Un siècle ou deux l'auront vaincu! 
Mais vous ne pouvez, à nature! 
Effacer une créature; 
Je meurs! qu'importe? j'ai vécu! 
 
Dieu m'a vu! le regard de vie 
S'est abaissé sur mon néant, 
Votre existence rajeunie 
A des siècles, j'eus mon instant! 
Mais dans la minute qui passe 
L'infini de temps et d'espace 
Dans mon regard s'est répété! 
Et j'ai vu dans ce point de l'être 
La même image m'apparaître 
Que vous dans votre immensité! 
 
Distances incommensurables, 
Abîmes des monts et des cieux, 
Vos mystères inépuisables 
Se sont révélés à mes yeux! 
J'ai roulé dans mes voeux sublimes 
Plus de vagues que tes abîmes 
N'en roulent, à mer en courroux! 
Et vous, soleils aux yeux de flamme, 
Le regard brûlant de mon âme 
S'est élevé plus haut que vous! 
 
De l'être universel, unique, 
La splendeur dans mon ombre a lui, 
Et j'ai bourdonné mon cantique 
De joie et d'amour devant lui! 
Et sa rayonnante pensée 
Dans la mienne s'est retracée, 
Et sa parole m'a connu! 
Et j'ai monté devant sa face, 
Et la nature m'a dit : Passe : 
Ton sort est sublime, il t'a vu! 
 
Vivez donc vos jours sans mesure! 
Terre et ciel! céleste flambeau! 
Montagnes, mers, et toi, nature, 
Souris longtemps sur mon tombeau! 
Effacé du livre de vie, 
Que le néant même m'oublie! 
J'admire et ne suis point jaloux! 
Ma pensée a vécu d'avance 
Et meurt avec une espérance 
Plus impérissable que vous! 
 
 
 
L'esprit de Dieu : 
 
 
Le feu divin qui nous consume 
Ressemble à ces feux indiscrets 
Qu'un pasteur imprudent allume 
Aux bord de profondes forêts; 
Tant qu'aucun souffle ne l'éveille, 
L'humble foyer couve et sommeille ; 
ais s'il respire l'aquilon, 
Tout à coup la flamme engourdie 
S'enfle, déborde; et l'incendie 
Embrase un immense horizon ! 
 
O mon âme, de quels rivages 
Viendra ce souffle inattendu ? 
Serait-ce un enfant des orages ? 
Un soupir à peine entendu ? 
Viendra-t-il, comme un doux zéphyre, 
ollement caresser ma lyre, 
Ainsi qu'il caresse une fleur ? 
Ou sous ses ailes frémissantes, 
Briser ses cordes gémissantes 
Du cri perçant de la douleur ? 
 
Viens du couchant ou de l'aurore ! 
Doux ou terrible au gré du sort, 
Le sein généreux qui t'implore 
Brave la souffrance ou la mort ! 
Aux coeurs altérés d'harmonie 
Qu'importe le prix du génie ? 
Si c'est la mort, il faut mourir !... 
On dit que la bouche d'Orphée, 
Par les flots de l'Ebre étouffée, 
Rendit un immortel soupir ! 
 
ais soit qu'un mortel vive ou meure, 
Toujours rebelle à nos souhaits, 
L'esprit ne souffle qu'à son heure, 
Et ne se repose jamais ! 
Préparons-lui des lèvres pures, 
Un oeil chaste, un front sans souillures, 
Comme, aux approches du saint lieu, 
Des enfants, des vierges voilées, 
Jonchent de roses effeuillées 
La route où va passer un Dieu ! 
 
Fuyant des bords qui l'ont vu naître, 
De Jéthro l'antique berger 
Un jour devant lui vit paraître 
Un mystérieux étranger ; 
Dans l'ombre, ses larges prunelles 
Lançaient de pâles étincelles, 
Ses pas ébranlaient le vallon ; 
Le courroux gonflait sa poitrine, 
Et le souffle de sa narine 
Résonnait comme l'aquilon ! 
 
Dans un formidable silence 
Ils se mesurent un moment ; 
Soudain l'un sur l'autre s'élance, 
Saisi d'un même emportement : 
Leurs bras menaçants se replient, 
Leurs fronts luttent, leurs membres crient, 
Leurs flancs pressent leurs flancs pressés ; 
Comme un chêne qu'on déracine 
Leur tronc se balance et s'incline 
Sur leurs genoux entrelacés ! 
 
Tous deux ils glissent dans la lutte, 
Et Jacob enfin terrassé 
Chancelle, tombe, et dans sa chute 
Entraîne l'ange renversé : 
Palpitant de crainte et de rage, 
Soudain le pasteur se dégage 
Des bras du combattant des cieux, 
L'abat, le presse, le surmonte, 
Et sur son sein gonflé de honte 
Pose un genou victorieux ! 
 
ais, sur le lutteur qu'il domine, 
Jacob encor mal affermi, 
Sent à son tour sur sa poitrine 
Le poids du céleste ennemi !... 
Enfin, depuis les heures sombres 
Où le soir lutte avec les ombres, 
Tantôt vaincu, tantôt vainqueur, 
Contre ce rival qu'il ignore 
Il combattit jusqu'à l'aurore... 
Et c'était l'esprit du Seigneur ! 
 
Ainsi dans les ombres du doute 
L'homme, hélas! égaré souvent, 
Se trace à soi-même sa route, 
Et veut voguer contre le vent ; 
ais dans cette lutte insensée, 
Bientôt notre aile terrassée 
Par le souffle qui la combat, 
Sur la terre tombe essoufflée 
Comme la voile désenflée 
Qui tombe et dort le long du mât. 
 
Attendons le souffle suprême ; 
Dans un repos silencieux ; 
Nous ne sommes rien de nous-même 
Qu'un instrument mélodieux ! 
Quand le doigt d'en haut se retire, 
Restons muets comme la lyre 
Qui recueille ses saints transports 
Jusqu'à ce que la main puissante 
Touche la corde frémissante 
Où dorment les divins accords ! 
 
 
 
Mon âme est triste jusqu'à la mort !: 
 
... J'ai vécu ; c'est-à-dire à moi-même inconnu  
Ma mère en gémissant m'a jeté faible et nu ;  
J'ai compté dans le ciel le coucher et l'aurore  
D'un astre qui descend pour remonter encore,  
Et dont l'homme, qui s'use à les compter en vain,  
Attend, toujours trompé, toujours un lendemain ;  
Mon âme a, quelques jours, animé de sa vie  
Un peu de cette fange à ces sillons ravie, 
Qui répugnait à vivre et tendait à la mort,  
Faisait pour se dissoudre un éternel effort,  
Et que par la douleur je retenais à peine ; 
La douleur ! noeud fatal, mystérieuse chaîne,  
Qui dans l'homme étonné réunit pour un jour  
Deux natures luttant dans un contraire amour  
Et dont chacune à part serait digne d'envie,  
L'une dans son néant et l'autre dans sa vie,  
Si la vie et la mort ne sont pas même, hélas !  
Deux mots créés par l'homme et que Dieu n'entend pas ? 
Maintenant ce lien que chacun d'eux accuse,  
Prêt à se rompre enfin sous la douleur qui l'use,  
Laisse s'évanouir comme un rêve léger 
L'inexplicable tout qui veut se partager ;  
Je ne tenterai pas d'en renouer la trame,  
J'abandonne à leur chance et mes sens et mon âme :  
Qu'ils aillent où Dieu sait, chacun de leur côté !  
Adieu, monde fuyant ! nature, humanité,  
Vaine forme de l'être, ombre d'un météore, 
Nous nous connaissons trop pour nous tromper encore !  
 
Oui, je te connais trop, ô vie ! ... 
Que tu sais bien dorer ton magique lointain ! 
Qu'il est beau l'horizon de ton riant matin !  
Quand le premier amour et la fraîche espérance  
Nous entrouvrent l'espace où notre âme s'élance  
N'emportant avec soi qu'innocence et beauté,  
Et que d'un seul objet notre coeur enchanté 
Dit comme Roméo : "Non, ce n'est pas l'aurore ! 
Aimons toujours ! l'oiseau ne chante pas encore !"  
Tout le bonheur de l'homme est dans ce seul instant ;  
Le sentier de nos jours n'est vert qu'en le montant !  
De ce point de la vie où l'on en sent le terme  
On voit s'évanouir tout ce qu'elle renferme ;  
L'espérance reprend son vol vers l'Orient ;  
On trouve au fond de tout le vide et le néant ;  
Avant d'avoir goûté l'âme se rassasie ; 
Jusque dans cet amour qui peut créer la vie 
On entend une voix : Vous créez pour mourir !  
Et le baiser de feu sent un frisson courir ! 
Quand le bonheur n'a plus ni lointain ni mystère, 
Quand le nuage d'or laisse à nu cette terre,  
Quand la vie une fois a perdu son erreur,  
Quand elle ne ment plus, c'en est fait du bonheur !  
 
... Ah ! si vous paraissiez sans ombre et sans emblème,  
Source de la lumière et toi lumière même,  
Ame de l'infini, qui resplendit de toi ! 
Si, frappés seulement d'un rayon de ta foi,  
Nous te réfléchissions dans notre intelligence, 
Comme une mer obscure où nage un disque immense,  
Tout s'évanouirait devant ce pur soleil,  
Comme l'ombre au matin, comme un songe au réveil ;  
Tout s'évaporerait sous le rayon de flamme, 
La matière, et l'esprit, et les formes, et l'âme,  
Tout serait pour nos yeux, à ta pure clarté,  
Ce qu'est la pâle image à la réalité !  
La vie, à ton aspect, ne serait plus la vie, 
Elle s'élèverait triomphante et ravie,  
Ou, si ta volonté comprimait son transport, 
Elle ne serait plus qu'une éternelle mort !  
Malgré le voile épais qui te cache à ma vue,  
Voilà, voilà mon mal ! c'est ta soif qui me tue ! 
Mon âme n'est vers toi qu'un éternel soupir,  
Une veille que rien ne peut plus assoupir ;  
Je meurs de ne pouvoir nommer ce que j'adore,  
Et si tu m'apparais ! tu vois, je meurs encore ! 
Et de mon impuissance à la fin convaincu,  
Me voilà ! demandant si j'ai jamais vécu,  
Touchant au terme obscur de mes courtes années, 
Comptant mes pas perdus et mes heures sonnées,  
Aussi surpris de vivre, aussi vide, aussi nu, 
Que le jour où l'on dit : Un enfant m'est venu ! 
Prêt à rentrer sous l'herbe, à tarir, à me taire,  
Comme le filet d'eau qui, surgi de la terre, 
Y rentre de nouveau par la terre englouti  
À quelques pas du sol dont il était sorti !  
Seulement, cette eau fuit sans savoir qu'elle coule ;  
Ce sable ne sait pas où la vague le roule ; 
Ils n'ont ni sentiment, ni murmure, ni pleurs,  
Et moi, je vis assez pour sentir que je meurs !  
Mourir ! ah ! ce seul mot fait horreur de la vie !  
L'éternité vaut-elle une heure d'agonie ?  
La douleur nous précède, et nous enfante au jour, 
La douleur à la mort nous enfante à son tour ! 
Je ne mesure plus le temps qu'elle me laisse, 
Comme je mesurais, dans ma verte jeunesse, 
En ajoutant aux jours de longs jours à venir,  
Mais, en les retranchant de mon court avenir,  
Je dis : Un jour de plus, un jour de moins ; l'aurore  
Me retranche un de ceux qui me restaient encore ;  
je ne les attends plus, comme dans mon matin,  
Pleins, brillants, et dorés des rayons du lointain,  
Mais ternes, mais pâlis, décolorés et vides  
Comme une urne fêlée et dont les flancs arides  
Laissent fuir l'eau du ciel que l'homme y cherche en vain, 
Passé sans souvenir, présent sans lendemain, 
Et je sais que le jour est semblable à la veille,  
Et le matin n'a plus de voix qui me réveille,  
Et j'envie au tombeau le long sommeil qu'il dort, 
Et mon âme est déjà triste comme la mort ! 
 
 
 
 
 

 

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Modifié en dernier lieu le 15.12.2011
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